Selon l’exégète Alvin Boyd Kuhn, la chute de la conscience viendrait d’une modification des codes de lecture des textes dits sacrés et des mythes. Lorsque ces ouvrages sacrés avaient été écrit, et les mythes créés, puis transmis par voie orale, les habitants de la terre avaient une structure mentale bien différente de celle de l’homme moderne : ils n’avaient pas la capacité d’abstraction ni celle de l’analyse linéaire. Ils raisonnaient plus de manière cyclique et holistique. Ils étaient d’une certaine manière plus intelligente de par leurs connections cosmiques, plus subtils et bien moins influencés par le matérialisme et l’individualisme.

Les connaissances spirituelles et initiatiques, les facettes psychiques humaines étaient alors mises en image à travers des personnages. Ces représentations permettaient à la fois de transmettre donc des principes abstraits à des gens qui n’avaient pas cette capacité intellectuelle d’abstraction, mais aussi de pouvoir préserver des secrets ésotériques à la vue de tous (« cachés en pleine vue ») ne pouvant pas être détruits ni accaparés, et pouvant traverser les siècles en toute innocence. Et pouvoir enfin conserver des vérités atemporelles à travers des histoires temporelles.

Mais toujours selon Alvin Boyd Kuhn, l’occident a chuté autour du troisième siècle lorsque l’interprétation des textes et des mythes n’était alors plus allégorique et symbolique, mais devenait littérale et historique.

La teneur ésotérique était alors perdue, les profondeurs spirituelles et psychiques devenaient complètement invisibles. Les interprétations tournaient autour d’analyses historiques, intellectuelles et littérales, ce qui forcément pouvait rendre ces textes et ces histoires absurdes, ludiques, anecdotiques, voire carrément impossibles. Les véritables clefs de lecture étant perdue, il se produisit une déconnexion d’avec ces enseignements. La conscience, se trouvant brutalement dans l’obscurité sans ces connaissances millénaires, aurait alors sombré dans l’ignorance et les illusions temporelles (et temporaires !) de la connaissance rationnelle et de la compréhension purement intellectuelle.

Par exemple, certains textes religieux présentent l’homme comme supérieur à la femme. Mais selon la clef de lecture ésotérique, tout ceci n’aurait absolument rien à voir avec les genres sexuels : l’homme et la femme représentaient respectivement l’Esprit et la matière !!! L’Esprit est donc supérieur à la matière car il est bien plus élevé en fréquences, et féconde cette dernière pour la spiritualiser.

Autre exemple, plus précis : dans le conte de la belle au bois dormant : à la fin, le prince réveille la femme endormie par un baiser d’amour. L’interprétation pourrait alors être la suivante : la matière non divinisée est comme endormie. L’Esprit la touche, la spiritualise par un acte d’amour et l’éveille.

Selon le livre 16 du Corpus hermeticum, qui est un entretien entre Asclepius et le roi Ammon : « Quand exprimé dans son langage originel, le texte préserve l’esprit pur des mots. Car la qualité du son et de la prononciation du langage égyptien porte en lui la puissance de ce qui est dit. Donc, ô roi, aussi loin que votre pouvoir le permette, et votre pouvoir est illimité, s’il vous plaît faites en sorte que ce texte ne soit pas traduit, afin que ces mystères n’atteignent pas les grecs. Car le style de la langue grecque est arrogant, lâche et voyant, qui sape le mystère et la puissance des mots. Les grecs utilisent des mots vides qui produisent juste une devanture. C’est la philosophie des grecs, un bruit de mots. Nous n’utilisons pas ce langage, mais des sons pleins de puissances ».

Au-delà des aspects surprenants de ces propos et des querelles théologiques et civilisatrices durant lesquelles ce livre trouve probablement ces origines, il y a le rapport au langage. La civilisation hellénique est la matrice de l’occident, qui lui-même a fait évoluer la conscience du monde vers un rapport à la réalité et aux technologies beaucoup plus « cerveau gauche », c’est-à-dire dans le sens de la rationalité et de la logique matérialiste.

Les langages dans lesquels étaient préservés et transmis les mystères spirituels étaient avant réservés à des cercles d’initiés. A partir du moment où une langue profane a servi de médium pour des connaissances ésotériques préalablement du domaine exclusif de certains initiés, la puissance et la profondeur des mots s’amoindrit.

Il ne s’agit pas d’émettre des opinions pour ce cas, pour savoir si une langue est meilleure qu’une autre, mais de chercher à comprendre les causes invisibles d’un phénomène de déspiritualisation d’une civilisation qui s’est effectué sur plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires.