« Chemin : bande de terre sur laquelle on marche à pied.
La route se distingue du chemin non seulement parce qu’on la parcourt en voiture, mais en ce qu’elle est une simple ligne reliant un point à un autre. La route n’a par elle-même aucun sens ; seuls en ont un les deux points qu’elle relie. Le chemin est un hommage à l’espace. Chaque tronçon du chemin est en lui-même doté d’un sens et nous invite à la halte. La route est une triomphale dévalorisation de l’espace, qui aujourd’hui n’est plus rien d’autre qu’une entrave aux mouvements de l’homme, une perte de temps.
Avant même de disparaître du paysage, les chemins ont disparu de l’âme humaine ; l’homme n’a plus le désir de cheminer et d’en tirer une jouissance. Sa vie non plus, il ne la voit pas comme un chemin, mais comme une route : comme une ligne menant d’un point à un autre, du grade de capitaine au grade de général, du statut d’épouse au statut de veuve. Le temps de vivre s’est réduit à un simple obstacle qu’il faut surmonter à une vitesse toujours croissante »
Milan Kundera – l’immortalité
Suivre l’autoroute du système ou arpenter son sentier de vie ? Ce choix représente deux destinées humaines en fonction des choix faits durant la vie. La nuance doit être au final appliquée, car chacun de nous est un mélange de ces deux voies. De par les choix effectués, un des deux chemins sera plus développée que l’autre bien sûr. Mais ceci est fonction de l’âge, des contextes de vie, de la maturité globale…
Les notions mentales de dualités (bien ou mal, positif ou négatif, autoroute ou sentier…) sont ici limitées car elles imposent un jugement de valeur, un moralisme simpliste et également un contexte culturel et historique. Les nuances et le discernement permet de reconnaître plutôt les principes métaphysiques cachées derrière chaque chemin. Mais globalement, chaque chemin dénote une polarité spirituelle et les conséquences que toute cela va entraîner :
- La voie large ou l’autoroute du système : il est question de suivre le flux majoritaire. Le libre arbitre n’est pas utilisé. Le libre arbitre est l’aptitude de l’être humain à déterminer son identité en fonction de lui seul, et non pas selon son environnement et sa culture. Sans utilisation du libre arbitre, la vie est entièrement choisie par d’autres éléments extérieurs, et déterminée par une chaîne causale. Car chaque effet est la conséquence d’une cause prédéterminée selon la théorie du déterminisme. Ou alors pour être dans le fatalisme, la détermination de sa vie est inéluctable. Dans l’ensemble, cela créé de l’uniformisation et renforce la centralisation des sociétés. Les mots clés de cette voie sont : uniformité et déterminisme.
- La voie étroite ou le sentier de l’âme : différent et unique à chacun. L’orientation de cette voie est la conséquence de l’utilisation du libre arbitre, c’est-à-dire de sa volonté individuelle qui détermine sa vie pour soi. Cette logique dépasse de nombreuses notions sociétales telles que la compétition et la hiérarchie, car il n’y a plus de comparaison possible. Le seul critère devient soi-même, non inscrit dans une quelconque relation humaine ou règle sociétale. Mais cette liberté possède de nombreuses difficultés et challenges. Les mots clés de cette voie sont : séparation et distinction.
Chacun de nous est un mélange de ces deux chemins, qui sont parfois très difficiles à distinguer. C’est pour cela que chaque cas doit être analysé avec du discernement :
Une autoroute est une voie de communication routière réservée à la circulation à vitesse élevée des véhicules motorisés. Elle ne comporte aucun croisement à niveau et les deux sens de circulation sont séparés par un terre-plein central ou une glissière de sécurité.
Le sentier est un chemin étroit dans la nature, qui ne laisse passage qu’aux piétons.
Tout effet a une cause, la cause détermine l’effet. La cause est l’origine, l’effet sa conséquence. Être sur l’autoroute, c’est n’être que l’effet, c’est être contrôlé par des causes qui échappent à notre contrôle. Être sur le sentier, c’est être dans le domaine des causes et non des effets, c’est être acteur de sa vie.
L’autoroute, c’est la voie du collectivisme, du NOUS, c’est la voie du groupe.
Le sentier, c’est le chemin de l’âme, du JE, c’est la voie solitaire.
Passer de l’autoroute au sentier est le parcours individuel, c’est arpenter sa voie propre qui ne peut pas être emprunté par d’autres ni déjà tracée.
Pour savoir si on est sur l’autoroute ou sur le sentier, il faut se poser les questions suivantes : notre chemin de vie est-il une expression authentique de notre for intérieur ou reflète-t-il simplement l’environnement extérieur ? Qui détermine le chemin de vie : l’âme ou la société ?
Le sentier permet d’exprimer dans la matière notre nature propre, il est un révélateur de notre chemin d’âme, un extériorisation de notre être profond. Le traçage de notre chemin de vie est donc avant tout une démarche d’intériorisation pour se connaître, puis d’extériorisation de notre essence et de manifestation de notre mission de vie.
L’autoroute, c’est la voie droite et prévisible de la causalité : une cause engendre une série d’effets. Tout se déroule comme prévu initialement.
Le sentier, c’est la voie sinueuse et imprévisible de la force de vie : il se déploie tel le parcours d’un animal en transe guidé par la puissance de l’instant présent. Prenant appui dans le monde de l’Esprit, l’âme agit instantanément dans la matière créant un chemin sans cesse renouvelé.
Ce sujet est central à notre existence.